Une urgence à la fois rare et vitale à chaque élément du son anguleux et sans compromis d’Egyptian Blue. Leur deux d’EPs acclamés par la critique, tous deux sortis via Yala! Records, ont fait du groupe basé à Brighton une proposition convaincante. Entre leur attaque post-punk saccadée et orientée vers le groove et leur approche lyrique polémique, le quatuor a déjà écumée de nombreuses scènes. 

Des amis de longue date Andy Buss et Leith Ambrose ont formé le groupe dans leur ville natale de Colchester (Royaume-Uni) avec le bassiste Luke Phelps. Exerçant initialement au-dessus d’une bijouterie, ils étaient l’incarnation d’un groupe réagissant à la banalité de son environnement. Les premiers jams se transformaient souvent en sessions marathon de quatorze heures ou plus, rendues d’autant plus chaotiques par la quantité de whisky qu’ils partageaient ainsi que par l’attention croissante de la police locale. En déménageant à Brighton, un tournant s’est produit lors d’un concert de King Gizzard & The Lizard Wizard. Voir un groupe aussi bien formé leur a fait repenser l’éthique de travail que leur propre projet exigeait. L’ajout du batteur Isaac Ide a complété le puzzle, offrant une direction plus intense pour le groupe, ainsi qu’une nouvelle poussée de créativité.

Après le punk, après l’indie rock, après la synth pop, après le math rock, après les considérations arty, après les clivages pop et musiques savantes… Rank-O joue la musique d’après tout ça. “Après punk” mais pas “post punk” ? Il y a clairement de cela dans l’approche des Tourangeaux. Plutôt que chercher à recréer les moments forts du passé, le quatuor s’appuie sur les épaules de ses pères spirituels pour construire une voie qui lui est propre, tournée vers le futur de cette baleine blanche qu’on appelle “rock à guitares”.

Habité par une certaine science des structures complexes (probablement héritée des grandes avant-gardes des années 60 aux années 90), Rank-O cultive également un amour sincère pour les pop songs, les mélodies immédiates, tantôt insidieuses, tantôt jouissivement minimalistes. C’est cette dualité entre des composantes tordues et des jeux d’enfants qui donnent à la musique du groupe son caractère unique, cette impression de mille-feuille plein de surprises, toujours plongé dans un bain de jouvence ludique.

De Novo, premier album du groupe, est une nouvelle étape créative pour Rank-O. Ces nouveaux morceaux ont été rodés sur scène pendant quelques temps avant d’être capturés au Black Box Studio par Baptiste Mésange (ingénieur du son live du groupe). On y retrouve les grandes lignes de la signature musicale de Rank-O avec une énergie décuplée, une production plus puissante et des motifs aussi riches qu’accrocheurs. Parmi les temps forts, on citera ainsi le synth punk épique de Gallery, le grand-huit psychédélique de Cold Rush ou Cent Mille qui pour la première fois fait un détour par le français et navigue entre pop électrique et influences 80’s.

Rank-O fait partie de ces groupes qui assument totalement d’emprunter des chemins de traverse. C’est par son inventivité et son jusqu’au boutisme assumé qu’il parvient à faire sortir la musique d’aujourd’hui de ses gonds et de ses clichés pour inventer un monde à lui, totalement personnel, qu’on se délecte de visiter encore et encore.